A tous ceux qui liront cet article, ne cherchez en aucune manière à en percer la clé, à en découvrir le sens, à en déchiffrer le mystère ou à comprendre de quoi il en ressort. Prenez-le au premier degré comme une histoire, une nouvelle.

Ce matin, par la porte vitrée de mon bureau, je vis venir à moi un élève de CP tenant dans sa main une enveloppe marron. Je me levai, contournai mon bureau, abaissai cette dure poignée et vins à lui. Il me la tendit comme un messager silencieux. Son visage souriait et ses yeux malicieux me firent comprendre qu'il en connaissait son contenu, son importance, son sens caché et sa portée symbolique. Il ne dit mot. Sa façon de me regarder suffisait. J'eus cru un instant que les rôles étaient inversés. J'étais devenu un enfant apeuré face à une nouvelle machiavélique. Il avait eu des instructions officielles et tel un bon soldat les appliquait à la lettre. N'associant pas encore le visage et le nom de tous les élèves au cours préparatoire, je ne sus pas immédiatement l'identifier. Sa tête ne m'était pas inconnu.Il était de la maison. Son père, sa mère, impossible de les associer. Alors que je m’apprêtais à le questionner sur son identité, ne le voit-il pas se retourner et partir tout guilleret, sautillant comme seul, un enfant sait le faire et disparaître par la porte bleue de l'ancien bâtiment. Un élève de la classe de Madame Mercoli, assurément. Je retournai à mon bureau, m’assis et posai sur mon sous-main cette fameuse enveloppe brune. Je l'ouvris et en sortis une feuille pliée avec un post-it jaune en message bref : Mme X,"ce message s'autodétruira après lecture". Le mystère s'épaissit de plus en plus et en dépliant cette feuille, un trombinoscope se présentait à moi. Des noms et des prénoms, FP1D, 1987-1988, Calmels en étaient les seules annotations. Tout était clair et tout s'éclairait. Chaque lettre et chaque mot avaient leur signification. Je pensais être le seul à le connaître. Un corbeau voulait-il me faire chanter ou plutôt une corneille, Madame X ne l'oublions pas. Ces visages me regardaient droit dans les yeux. En noir et blanc, l'intensité n'en était que décuplée. Une personne connaissait mon passé. Elle le connaissait très bien. Elle le connaissait trop bien. Monsieur Chambon était-il celui que vous fréquentez ? Madame X voulait-elle son malheur ou lui faire plaisir ?

Cette enveloppe brune, cette écriture si particulière à l'encre noire, je les avais déjà vues. Je cherchai, retournai, fouillai dans la pile monumentale des documents qui s'entassaient à mes côtés. Je retrouvai sa jumelle de lettre. Même calligraphie, même écriture, même style et un nom au bas de la page. Une lectrice d'un écran d'ordinateur interposé qui connaissait la fameuse partie de belote, la pelote de réjection, les visages pâles au teint hâlé. Dois-je à mon tour devenir maître-chanteur. Moi qui le suis déjà sans trait d'union. Non, ne jouons pas à cela. Madame X restera inconnue pour vous tous et surtout à ceux qui, dépités, sont allés au bout de cet écrit.

Quant à toi, madame X, derrière ton écran d'ordinateur, tu dois bien rire. Merci infiniment pour ce merveilleux présent. Je ne trahirai pas ton secret.

Monsieur Y

Retour à l'accueil